Le transitions entre la jeunesse et l’âge adulte a fortement évolué au cours des dernières décennies. Par rapport au passé, elle s’étend sur une période plus longue et est moins structurée et standardisée. On constate également aujourd’hui des différences considérables dans l’ordre des transitions vers le monde du travail et dans la sphère privée, ainsi que par rapport au développement de la participation citoyenne. Il est également apparu clairement que les différents parcours de transition des jeunes et des jeunes adultes s’expliquent notamment par la éducation, l’origine sociale, la nationalité, le sexe et les ressources à leur disposition.
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Des phases de transition plus longues reculent les étapes biographiques comme le début du travail ou la fondation d’une famille
Au cours des dernières décennies, on constate au Luxembourg (comme dans la plupart des sociétés occidentales) un clair allongement de la transition de la jeunesse à l’âge adulte. Cet allongement est visible dans les transitions de plus en plus tardives dans les domaines de transition centraux : le début d’une activité professionnelle, la contraction d’un mariage et la fondation d’une famille ont lieu aujourd’hui nettement plus tard qu’il y a encore quelques décennies.
L’allongement de la phase de transition est généralement dû au fait que les jeunes doivent aujourd’hui investir davantage dans l’éducation et passent donc plus de temps dans le système éducatif avant de chercher un emploi. Parallèlement, l’entrée sur le marché du travail s’avère aujourd’hui plus problématique : stages, contrats à durée déterminée, contrats à temps partiel, chômage répété caractérisent cette transition et entraînent un allongement de la transition vers l’emploi.
Les décalages temporels dans les domaines privés sont également liés à l’entrée plus tardive dans la vie active : La sécurité dans le domaine professionnel (et donc aussi financier) reste pour de nombreux jeunes une condition préalable à l’acquisition d’un bien immobilier et à la fondation d’une famille. A cela s’ajoute le fait que les marqueurs traditionnels de la transition vers le statut d’adulte ne sont plus importants pour tous les jeunes et ont un caractère normatif.
Même si une grande partie d’entre eux aspirent à ces événements de transition et les considèrent comme des étapes importantes de leur propre parcours de vie, beaucoup considèrent également la phase de transition comme une phase d’expérimentation, de réalisation de soi et de développement de ses propres idées sur la vie.
Les transitions et les parcours biographiques se diversifient
En raison de l’individualisation et de la différenciation sociale, il existe aujourd’hui une grande liberté de choix dans les décisions biographiques et une multitude de voies possibles vers l’âge adulte. Les modèles traditionnels perdent de leur importance, les transitions individualisées augmentent. Mais cette plus grande liberté de choix implique en même temps une obligation de décider et est liée à des incertitudes et des risques plus importants.
Il est souvent difficile pour les jeunes d’appréhender les conséquences de chaque décision sur leur biographie individuelle. Alors qu’une partie des jeunes et des jeunes adultes savent tirer profit de la liberté de choix – par exemple en optant délibérément pour une certaine voie professionnelle -, pour d’autres, la transition ne se fait pas sans incertitudes, crises et angoisses.
La mesure dans laquelle les jeunes savent utiliser les libertés et gérer de manière compétente les exigences qui y sont liées dépend d’une part des ressources personnelles (notamment les capacités cognitives, les compétences sociales, le sentiment d’efficacité personnelle) et d’autre part du soutien de leur milieu social (famille, amis).
Alors que certains jeunes ont une vision très claire de la manière dont ils souhaitent organiser les transitions vers l’âge adulte et qu’ils réussissent ces transitions sans difficulté, d’autres jeunes sont confrontés à de nombreuses difficultés lorsqu’ils quittent le domicile familial, qu’ils accèdent à un emploi et qu’ils fondent une famille. | © Jantine Doornbos via Unsplash
Les événements de transition sont de plus en plus dissociés et réversibles
Les transitions dans les différents domaines de transition ne sont pas indépendantes les unes des autres, mais se conditionnent en partie mutuellement. Ainsi, pour une grande partie des jeunes, une transition réussie vers le monde du travail constitue la condition préalable à un logement autonome ou à la fondation d’une propre famille. Parallèlement, ces différents événements de transition, qui marquent le passage à l’âge adulte, sont dissociés dans le temps.
Contrairement à ce qui se passait autrefois, lorsque les normes et conventions sociales prévoyaient par exemple que le départ du domicile parental n’intervienne qu’à l’approche du mariage ou que la parentalité ne puisse être considérée indépendamment du mariage, les différents événements de transition privés sont aujourd’hui souvent très espacés dans le temps : le départ du domicile parental intervient généralement bien avant le mariage ou la fondation d’une famille.
En outre, la transition peut déjà être achevée avec succès dans un domaine de la vie, alors que la transition n’a pas encore commencé dans d’autres domaines (par exemple, les jeunes adultes qui travaillent et qui vivent encore chez leurs parents). En outre, les transitions ne peuvent pas être considérées comme définitivement achevées ; elles sont de plus en plus souvent réversibles.
La situation des universitaires qui retournent vivre chez leurs parents après une phase de logement indépendant pendant leurs études en est un exemple. La perte d’un emploi ou un divorce peut également contraindre les jeunes à abandonner leur logement indépendant et à retourner vivre chez leurs parents.
Les divorces sont plus fréquents aujourd’hui qu’il y a quelques décennies. | © Andres Molina via Unsplash
Les jeunes bénéficiant d’un soutien familial gèrent mieux les transitions
Nos résultats soulignent tous l’importance du soutien parental pour une gestion positive de la transition. Ce soutien fait souvent défaut chez les jeunes qui sont confrontés à des problèmes durant la phase de transition. Les problèmes individuels et l’absence d’un réseau social conduisent alors souvent à des parcours de transition nécessitant un soutien, voire à des échecs.
En revanche, les jeunes dont les parents sont à l’écoute et les soutiennent peuvent compter non seulement sur leur aide financière, mais aussi sur leur expérience, leurs connaissances et leur soutien psychique. Cela n’a pas seulement des répercussions lors du passage à l’âge adulte, mais joue déjà un rôle décisif pendant la scolarité.
Le soutien de la famille est également un facteur important lors du passage à un logement autonome. Compte tenu des prix élevés de l’immobilier au Luxembourg, la plupart des jeunes et des jeunes adultes dépendent de l’aide de leurs parents. Cependant, tous les parents n’ont pas la possibilité de soutenir financièrement leurs enfants ou de mettre un logement à leur disposition.
L’influence de la famille d’origine est particulièrement visible dans le développement de la participation citoyenne : les jeunes qui grandissent dans une famille politiquement intéressée et engagée montrent plus souvent de l’intérêt pour la politique et développent plus facilement leur propre engagement politique et social. Les parents ne sont pas seulement des modèles importants, ils encouragent aussi souvent de manière ciblée l’engagement de leurs enfants.
Les jeunes qui ne peuvent pas compter sur le soutien et l’exemple de leurs parents sont largement désavantagés. Les offres de soutien extra-familial tentent de compenser ces désavantages, mais elles ne peuvent pas remplacer entièrement le soutien familial.
Au Luxembourg, certains des parents ne peuvent pas soutenir financièrement leurs enfants. | © P. K. Picture world via Unsplash
Les trajectoires de transition des jeunes femmes et des jeunes hommes sont différentes
Les trajectoires de vie des jeunes hommes et des jeunes femmes se sont rapprochées au cours des dernières décennies, notamment en ce qui concerne l’organisation des parcours de formation et de l’activité professionnelle. Par rapport au passé, les femmes sont nettement plus nombreuses à exercer une activité professionnelle et retournent plus tôt et plus souvent sur le marché du travail après la naissance des enfants.
Néanmoins, on constate également des différences dans la transition entre les sexes. Les jeunes femmes obtiennent en moyenne des diplômes plus élevés que les jeunes hommes et sont plus souvent titulaires d’un diplôme universitaire ; elles restent donc plus longtemps dans le système éducatif. Les femmes accèdent plus tôt à un logement indépendant, tandis que les jeunes hommes restent souvent plus longtemps chez leurs parents.
Toutefois, les femmes assument encore aujourd’hui une plus grande part des tâches privées d’éducation et de soins, ce qui fait qu’elles sont plus nombreuses à tenter de surmonter cette double charge en réduisant leur activité professionnelle (travail à temps partiel).
En ce qui concerne la participation sociale et politique, les jeunes hommes et les jeunes adultes se montrent toutefois plus actifs : les filles et les jeunes femmes s’intéressent moins à la politique que leurs pairs masculins et s’engagent également moins dans des associations et des organisations de la société civile.
Les femmes accèdent plus tôt à un logement autonome, tandis que les jeunes hommes restent souvent plus longtemps chez leurs parents. | © Tim Mossholder via Unsplash
Comment la nationalité et la migration influencent les transitions
Dans tous les domaines de transition, des différences significatives ont été observées entre les jeunes d’origine luxembourgeoise et étrangère. Même si les résultats doivent être considérés de manière différenciée, on peut constater que les jeunes et les jeunes adultes sans nationalité luxembourgeoise atteignent en moyenne des niveaux de formation plus bas que ceux de nationalité luxembourgeoise.
Comme à cela s’ajoutent souvent des compétences linguistiques insuffisantes et un manque de réseaux sociaux, les voies de l’avenir professionnel de nombreux jeunes issus de l’immigration sont déjà posées très tôt : En conséquence, les jeunes issus de l’immigration se retrouvent proportionnellement plus souvent dans des professions exigeant peu de qualifications, sont plus souvent touchés par le chômage et doivent plus souvent recourir à l’aide de mesures pour maîtriser la transition.
Il est en outre frappant de constater le faible intérêt politique des jeunes et des jeunes adultes d’origine étrangère, ainsi que leur moindre participation sociale et politique. Les jeunes issus de l’immigration ne profitent donc que rarement du fort pouvoir d’intégration d’un engagement bénévole.
Parallèlement, les données révèlent également la présence d’un grand nombre d’immigrés hautement qualifiés, qui réussissent professionnellement et sont parfaitement intégrés, mais qui sont plus souvent issus de la deuxième génération d’immigrés et proviennent souvent d’autres pays de l’UE.
Au Luxembourg, il existe à la fois un groupe important de migrants hautement qualifiés qui réussissent professionnellement et un groupe de migrants peu qualifiés qui vivent dans des conditions précaires. | © Li Jia via Unsplash
L’apport et les limites des offres de soutien
L’offre existante de mesures de soutien à la transition dans différents domaines représente pour de nombreux jeunes et jeunes adultes une aide importante pour gérer la transition. Les retours majoritairement positifs des participants le prouvent.
Pour le domaine des mesures d’insertion professionnelle, il s’est avéré que la majeure partie des participant(e)s aux mesures évaluent positivement l’augmentation des connaissances et des compétences, le développement personnel et l’amélioration des chances professionnelles grâce à leur participation. Les quatre facteurs suivants ont une influence positive sur cette évaluation :
- l’adaptation individuelle de la mesure au/à la participant(e),
- la prise en compte des besoins du/de la participant(e),
- l’identification des points forts et des points faibles du/de la participant(e) et
- l’encouragement individuel du/de la participant(e).
Une orientation des mesures en fonction de ces facteurs devrait donc également avoir un effet positif sur le succès des mesures.
Les structures d’hébergement encadrées contribuent à améliorer la situation de vie ainsi que la gestion du quotidien des résident(e)s. Cependant, les jeunes doivent parfois s’accommoder de très longs délais d’attente avant d’obtenir une place libre. Cela indique un besoin important de structures de logement supplémentaires.
Les jeunes plus âgés vivant dans des structures résidentielles offrant plus d’espaces individuels et plus de possibilités de participation évaluent davantage l’utilité individuelle des offres que les plus jeunes, qui sont souvent confrontés à un niveau plus élevé de contrôle et de règles dans leurs structures résidentielles. Dans l’ensemble, il serait nécessaire d’élargir les possibilités de participation afin de renforcer le développement de la responsabilité et de l’autonomie des résident(e)s et d’améliorer ainsi les conditions d’une transition réussie vers un logement autonome.
Les offres de promotion de la participation citoyenne sont presque exclusivement utilisées par des jeunes de nationalité luxembourgeoise. Or, ces offres n’ont pas seulement une fonction d’intégration sociale importante, mais elles contribuent aussi de manière déterminante au développement de compétences très variées (notamment la prise de responsabilités, le développement de la personnalité et, en partie, des compétences professionnelles). Dans ce contexte, une plus grande ouverture des offres aux jeunes issus de l’immigration et aux jeunes ayant un faible niveau de formation semble très importante.
Outre les effets positifs, les résultats mettent également en évidence les limites des offres de soutien. Ainsi, pour certains jeunes, les mesures s’avèrent être des boucles d’attente ou des impasses et ne conduisent pas à l’amélioration souhaitée de leur situation respective. En particulier, les jeunes ayant besoin d’un soutien important et présentant des problèmes multiples ne profitent que partiellement de l’offre de mesures existante, mais ont besoin d’un soutien plus important, spécifiquement adapté à leurs besoins. Il serait nécessaire d’améliorer le dépistage précoce et de mettre en place une prise en charge socio-pédagogique qui intègre également la famille.